Votre parent fait son entrée en EHPAD et sa maison, pleine de souvenirs, se retrouve vide. Une nouvelle étape commence pour lui, mais aussi pour vous. Vous vous demandez peut-être si vous pourriez vous y installer, pour entretenir le bien, vous rapprocher ou simplement par commodité. Cette idée, qui semble simple, ouvre une série de questions complexes qui touchent à la fois l’affectif, le financier et le juridique. Avant de prendre une décision, il est primordial de mesurer toutes les conséquences.
Ce guide est conçu pour vous éclairer. Vous y trouverez des réponses claires aux questions qui vous préoccupent :
- Ai-je le droit d’habiter la maison de mon parent sans formalités ?
- Quelles sont les implications fiscales d’une telle occupation pour moi et pour mon parent ?
- Comment cette décision affecte-t-elle les aides sociales comme l’ASH ou l’APA ?
- Comment éviter les conflits familiaux avec les autres héritiers ?
- Quelles sont les alternatives (louer, vendre) et comment les mettre en œuvre ?
Naviguer dans ce labyrinthe administratif et juridique peut être déroutant. L’objectif est de vous fournir les clés pour prendre des décisions éclairées, protéger le patrimoine familial et préserver l’harmonie au sein de votre famille.
Comprendre les enjeux : pourquoi la maison familiale est-elle au centre des préoccupations ?
L’entrée en EHPAD d’un parent est un tournant majeur. La maison, bien plus qu’un simple actif immobilier, cristallise des enjeux financiers, émotionnels et juridiques qui nécessitent une gestion prudente et anticipée.
Le coût élevé de l’EHPAD : une réalité financière
Le financement de l’EHPAD est souvent la première préoccupation. Avec un coût mensuel moyen dépassant les 2 400 euros, les pensions de retraite suffisent rarement à couvrir la totalité des frais EHPAD. La maison d’un parent représente alors la principale ressource financière pour assurer son confort et sa prise en charge. La gestion de ce bien est directement liée à la capacité de financer son séjour sur le long terme.
L’attachement émotionnel au patrimoine familial
La maison familiale est un lieu chargé d’histoire et de souvenirs. La décision de la vider, de la louer ou de la vendre est rarement purement rationnelle. Pour beaucoup d’enfants, conserver ce bien est une manière de préserver un lien, un héritage. Cet attachement doit être pris en compte, mais il ne doit pas occulter les réalités pratiques et financières qui s’imposent.
Les risques juridiques, fiscaux et sociaux d’une gestion non anticipée
Une occupation non encadrée, une vente précipitée ou une gestion locative improvisée peuvent avoir de lourdes conséquences. Risque de requalification fiscale en donation déguisée, perte d’aides sociales, tensions avec les autres héritiers… Une mauvaise gestion peut transformer une solution apparente en un problème complexe, générant des conflits familiaux qu’il est préférable d’éviter.
Habiter la maison de votre parent en EHPAD : les précautions indispensables

Vous installer dans la maison de votre parent peut sembler la solution la plus simple pour veiller sur le bien. Cette démarche requiert des précautions rigoureuses pour sécuriser la situation de chacun et prévenir les litiges.
L’accord du propriétaire et des héritiers : une étape non négociable
L’autorisation formelle du parent
Si votre parent est propriétaire et dispose de toutes ses facultés mentales, son accord écrit est la première condition. Ce document doit préciser les modalités de l’occupation (gratuite ou non, durée, prise en charge des frais). Pour éviter toute contestation future, il peut être utile de joindre un certificat médical attestant de sa lucidité au moment de la signature. Un mandat de protection future, s’il a été rédigé en amont, peut aussi définir les règles de gestion des biens.
Le cas des majeurs protégés : l’intervention du juge des tutelles
Si votre parent est sous une mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle), vous ne pouvez rien décider seul. Toute décision concernant sa résidence principale, y compris une occupation gratuite du logement par un enfant, doit obligatoirement être autorisée par le juge des tutelles. Le juge veillera à ce que la décision soit prise dans l’intérêt exclusif du majeur protégé, notamment en vérifiant que cette occupation ne le prive pas de revenus nécessaires au financement de l’EHPAD.
La gestion de l’indivision : l’accord de tous les co-indivisaires
Si la maison appartient à plusieurs personnes (par exemple, votre parent et ses frères et sœurs, ou vous et vos propres frères et sœurs après une première succession), on parle d’indivision. Dans ce cas, l’accord unanime de tous les propriétaires (les co-indivisaires) est nécessaire pour qu’une seule personne occupe le bien. Sans cet accord écrit, les autres co-indivisaires pourraient réclamer une indemnité d’occupation, équivalente à une part du loyer que le bien aurait pu générer.
Choisir le cadre juridique adapté à l’occupation
Formaliser l’occupation est essentiel pour vous protéger et clarifier la situation vis-à-vis de l’administration fiscale et des autres héritiers. Plusieurs options de cadre juridique existent.
Le prêt à usage (commodat)
Il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire prête son bien gratuitement à l’occupant. Ce dernier doit en user sans le dégrader et le restituer après usage. Un contrat écrit est fortement recommandé pour fixer les règles : durée, charges à payer par l’occupant (entretien courant, assurances, factures d’énergie). Le notaire peut vous aider à rédiger ce document pour une sécurité juridique optimale.
Le bail de location familial
Vous pouvez signer un contrat de location classique avec votre parent. Vous lui versez un loyer, qui contribuera à payer les frais EHPAD. Cette solution a le mérite de la clarté : elle génère des revenus officiels pour le parent et évite toute suspicion d’avantage indirect. Attention, les loyers perçus seront imposables pour votre parent. De plus, vous ne pourrez pas bénéficier d’aides au logement comme l’APL, car elles ne sont pas versées pour des locations entre ascendants et descendants directs.
Le démembrement de propriété : usufruit et nue-propriété
Le démembrement de propriété est une solution plus sophistiquée qui anticipe la succession. Votre parent peut vous donner la nue-propriété du bien (les « murs ») et en conserver l’usufruit (le droit d’usage ou de location). Il peut aussi vous céder l’usufruit temporairement. Cette technique de gestion de patrimoine offre des avantages fiscaux significatifs mais nécessite l’intervention d’un notaire pour évaluer la situation familiale et patrimoniale.
Les implications fiscales de l’occupation
Habiter la maison d’un parent a des conséquences fiscales directes pour tout le monde.
Changement de statut de la résidence principale et conséquences sur la plus-value
Dès lors que votre parent s’installe durablement en EHPAD, cet établissement devient sa nouvelle résidence principale sur le plan fiscal. Son ancien logement devient une résidence secondaire. Cette requalification a une conséquence majeure : en cas de vente, le bien perd l’exonération totale de plus-value immobilière attachée à la résidence principale. Des abattements restent possibles, mais une partie du gain peut être taxée.
L’obligation de déclaration fiscale de l’occupant et du propriétaire
Le propriétaire de chaque bien immobilier doit déclarer en ligne son statut d’occupation sur son espace personnel du site impots.gouv.fr. Si vous occupez gratuitement la maison, votre parent (ou son représentant légal) doit effectuer cette déclaration fiscale. Il indiquera que le bien n’est plus sa résidence principale, précisera votre identité en tant qu’occupant à titre gratuit et la date de début d’occupation. Cette démarche est obligatoire et permet à l’administration de déterminer qui est redevable des taxes locales. L’oubli est passible d’une amende.
La taxe foncière, la taxe d’habitation et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)
- Taxe foncière : Elle reste due par le propriétaire, c’est-à-dire votre parent. Un accord peut prévoir que vous la remboursiez, mais légalement, il en est le redevable.
- Taxe d’habitation : Elle a été supprimée pour les résidences principales. Si vous faites de la maison votre propre résidence principale, vous n’aurez pas à la payer. Si elle devient votre résidence secondaire, la taxe reste applicable.
- IFI : Si le patrimoine immobilier de votre parent dépasse 1,3 million d’euros, il est soumis à l’IFI. La valeur de sa maison, désormais résidence secondaire, est comptabilisée sans l’abattement de 30 % qui s’appliquait à la résidence principale.
Les exonérations fiscales possibles pour les personnes âgées
Certaines exonérations de taxe foncière ou de taxe d’habitation sur les résidences secondaires peuvent s’appliquer aux personnes âgées hébergées en EHPAD, sous conditions de ressources. Il est judicieux de se renseigner auprès du centre des finances publiques pour vérifier l’éligibilité de votre parent.
L’impact sur les aides sociales du parent (ASH, APL)
La manière dont vous gérez la maison peut directement influencer le droit de votre parent à percevoir une aide sociale.
Le risque de requalification en avantage en nature ou donation indirecte
Si votre parent demande l’aide sociale à l’hébergement (ASH), le conseil départemental examinera ses ressources. Une occupation gratuite du logement par un enfant peut être considérée comme une ressource non exploitée. Les services sociaux pourraient estimer que le bien aurait dû être mis en location pour générer des revenus. Ils pourraient alors soit réduire le montant de l’aide sociale, soit considérer cette occupation comme une donation indirecte dont il faudra tenir compte dans le calcul de l’obligation alimentaire ou lors de la succession.
L’obligation alimentaire et les recours en récupération sur succession
L’ASH est une avance du département, qui peut être récupérée après le décès du bénéficiaire sur son actif successoral (la maison en premier lieu). De plus, l’aide sociale est subsidiaire à l’obligation alimentaire : les enfants sont tenus de participer au financement des frais EHPAD à hauteur de leurs moyens. Occuper le bien gratuitement pourrait être interprété comme un manquement à cette solidarité si cela prive le parent de revenus utiles.
Qui prend en charge les frais et les travaux ?
Une convention d’occupation claire est indispensable pour définir la répartition des charges et éviter tout impact sur la succession.
Répartition des charges courantes et de l’entretien
En règle générale, l’occupant prend en charge les dépenses courantes : factures d’eau, d’électricité, de gaz, assurance habitation, et l’entretien régulier du bien (jardin, petites réparations). Cette répartition doit être formalisée dans votre accord écrit.
Les gros travaux : conséquences sur la succession et justificatifs
La prise en charge des grosses réparations (toiture, chaudière, ravalement) incombe légalement au propriétaire. Si vous financez de tels travaux, conservez toutes les factures. Ces dépenses pourront être considérées comme une créance sur la succession : au moment du partage, vous pourrez demander le remboursement de ces sommes avant que le patrimoine ne soit réparti entre les héritiers. Sans justificatifs, il sera difficile de faire valoir vos droits.
Les alternatives à l’occupation personnelle de la maison
Si habiter le bien est trop complexe ou n’est pas votre souhait, d’autres solutions existent pour valoriser ce patrimoine et contribuer au financement de l’EHPAD.
La mise en location du logement
Avantages et contraintes de la location pour financer l’EHPAD
Louer la maison assure une rentrée d’argent régulière et prévisible pour payer les frais EHPAD. Cela permet de conserver le bien dans le patrimoine familial. La gestion locative demande du temps (recherche de locataires, gestion des imprévus, démarches administratives) et les revenus fonciers sont fiscalisés.
La gestion locative et la fiscalité des revenus fonciers
Vous pouvez confier la gestion locative à une agence immobilière, moyennant des honoraires. Les loyers perçus par votre parent s’ajouteront à ses autres revenus et seront soumis à l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux prélèvements sociaux. Des régimes fiscaux spécifiques (micro-foncier ou régime réel) existent, et le choix dépend de la situation.
La vente du bien immobilier : une solution radicale
Un financement direct pour l’EHPAD
La vente du bien apporte une somme d’argent conséquente qui peut être placée pour générer des revenus complémentaires ou utilisée directement pour payer l’EHPAD pendant de nombreuses années. Cette solution simplifie la gestion de patrimoine et anticipe le partage successoral.
Le moment opportun pour vendre : maximiser l’exonération de la plus-value
Pour bénéficier de l’exonération de la taxe sur la plus-value immobilière, la vente doit intervenir dans un délai court après le départ du parent (généralement dans l’année qui suit), tant que le bien peut encore être considéré comme l’ancienne résidence principale du parent et qu’il n’a pas été loué ou occupé entre-temps.
Qui peut décider de la vente : rôle du parent, des ayants droit ou du tuteur
La décision de vente appartient au propriétaire. Si votre parent est lucide, il décide. S’il est sous protection juridique, la vente est soumise à l’autorisation du juge des tutelles, qui s’assurera que le prix est juste et que l’opération est dans l’intérêt du majeur protégé.
Les démarches spécifiques pour la vente d’un bien de majeur protégé
La procédure est encadrée : demande au juge des tutelles avec au moins deux avis de valeur du bien, justification de l’utilisation des fonds, et compte-rendu final de l’opération. L’accompagnement professionnel d’un notaire est ici indispensable.
Les autres options à considérer
Le viager : un revenu garanti à vie
Vendre en viager permet au parent de recevoir un capital de départ (le bouquet) et une rente mensuelle jusqu’à son décès. C’est une solution sécurisante pour le financement de l’EHPAD, mais elle signifie que les héritiers ne recevront pas le bien dans la succession.
La donation du bien de son vivant : anticiper la transmission du patrimoine
Le parent peut aussi choisir de donner le bien de son vivant. Cette démarche, qui doit être réalisée chez un notaire, permet d’anticiper la succession et de bénéficier d’abattements fiscaux. Attention, si le parent a besoin de l’aide sociale à l’hébergement par la suite, cette donation pourrait être remise en cause par le conseil départemental.
L’importance d’un accompagnement professionnel pour une décision éclairée
Face à la complexité des questions juridiques et des implications fiscales, il est vivement conseillé de ne pas rester seul. Un accompagnement professionnel est un gage de sérénité.
Le rôle essentiel du notaire
Le notaire est votre interlocuteur privilégié. Il vous conseillera sur le meilleur cadre juridique (commodat, démembrement de propriété), rédigera les actes nécessaires pour sécuriser votre occupation, vous expliquera les conséquences sur la succession et validera la faisabilité d’une vente ou d’une donation.
L’apport d’un conseiller en gestion de patrimoine
Un conseiller en gestion de patrimoine peut vous aider à avoir une vision globale. Il analysera l’ensemble du patrimoine de votre parent pour définir la meilleure stratégie de financement de l’EHPAD, en optimisant la fiscalité et en sécurisant l’avenir financier de votre parent.
Le recours à la médiation familiale pour prévenir les conflits
Si des désaccords apparaissent au sein de la fratrie, un médiateur familial peut vous aider à dialoguer et à trouver un terrain d’entente. C’est une démarche constructive pour éviter les conflits familiaux et prendre une décision collective dans l’intérêt du parent.
Questions fréquentes sur la gestion de la maison d’un parent en EHPAD
Quelle est la résidence principale d’un résident en EHPAD ?
L’EHPAD devient la résidence principale fiscale et administrative de la personne qui s’y installe de manière durable. Son ancien domicile est alors considéré comme une résidence secondaire, ce qui a des conséquences sur les taxes locales et sur l’exonération de la plus-value en cas de vente.
Puis-je bénéficier des APL si j’habite la maison de mon parent ?
Non. Les aides au logement (APL, ALS, ALF) ne sont pas accordées lorsqu’un locataire loue un logement appartenant à l’un de ses ascendants (parents, grands-parents) ou descendants (enfants). Même avec un bail en bonne et due forme, cette aide vous sera refusée.
Quelles sont les différences entre usufruit, droit d’usage et droit d’habitation ?
Ces trois notions définissent le droit d’utiliser un bien sans en être pleinement propriétaire :
- L’usufruit : C’est le droit le plus complet. L’usufruitier peut habiter le bien (usus) et le louer pour en percevoir les revenus (fructus).
- Le droit d’usage : Il permet seulement d’utiliser personnellement le bien avec sa famille. La location est interdite.
- Le droit d’habitation : Il est encore plus restrictif et ne donne que le droit de vivre dans le logement, sans possibilité de le prêter ou de le louer.
Quels sont les barèmes fiscaux du démembrement selon l’âge ?
Lors d’un démembrement de propriété (par exemple, pour une donation), la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété est fixée par un barème fiscal qui dépend de l’âge de l’usufruitier. Plus il est âgé, plus la valeur de l’usufruit est faible (car son espérance de vie est plus courte). Voici quelques exemples :
| Âge de l’usufruitier | Valeur de l’usufruit | Valeur de la nue-propriété |
|---|---|---|
| Moins de 61 ans | 50 % | 50 % |
| Moins de 71 ans | 40 % | 60 % |
| Moins de 81 ans | 30 % | 70 % |
| Moins de 91 ans | 20 % | 80 % |
Ce barème est utilisé par le notaire pour calculer les droits de donation et optimiser la transmission du patrimoine.
Comment déclarer l’occupation gratuite d’un bien aux services fiscaux ?
La déclaration des informations relatives au logement doit être faite par le propriétaire sur son espace personnel du site impots.gouv.fr, dans la rubrique « Gérer mes biens immobiliers ». Pour une occupation gratuite, il faut indiquer que le bien n’est plus la résidence principale du propriétaire, renseigner l’identité de l’occupant et sélectionner le statut « Occupant à titre gratuit ». Cette déclaration fiscale de l’occupant est une obligation légale.




















